Il est des figures discrètes dont les idées, pourtant, bouleversent le monde. Maurice Lauré, né en 1917, fait partie de ces hommes dont le génie n’a d’égal que la sobriété. Peu connu du grand public, cet inspecteur des finances est pourtant à l’origine de l’un des impôts les plus appliqués au monde : la taxe sur la valeur ajoutée, plus connue sous son acronyme, la TVA.
En ce début des années 1950, la France est à la croisée des chemins. La reconstruction d’après-guerre impose des besoins financiers colossaux à un État dont le système fiscal, archaïque et inefficace, est rongé par la fraude. Les commerçants et artisans, exaspérés par la pression fiscale, trouvent un porte-voix en la personne de Pierre Poujade, qui mène une fronde retentissante contre ce qu’il appelle “l’État vampire”. La nécessité d’une réforme devient impérative.
C’est dans ce contexte explosif que Maurice Lauré, alors directeur adjoint de la Législation fiscale, entreprend une réflexion radicalement nouvelle. Il imagine un impôt aux trois atouts majeurs :
- Un levier pour l’exportation : en supprimant les distorsions fiscales, il renforce la compétitivité des entreprises françaises à l’international.
- Un moteur d’investissement et de modernisation : en allégeant la charge fiscale sur la production, il encourage les entreprises à innover et à se développer.
- Un impôt neutre vis-à-vis du circuit économique : contrairement aux taxes en cascade, la TVA ne pénalise pas la sous-traitance, un enjeu crucial pour l’industrie moderne et le secteur du bâtiment, où les chaînes de production reposent largement sur ce modèle.
En 1952, il consigne son idée dans un ouvrage visionnaire : La Taxe sur la valeur ajoutée. Le principe est limpide : chaque entreprise déclare la TVA qu’elle facture à ses clients et soustrait celle qu’elle a elle-même payée à ses fournisseurs. Ce mécanisme de déduction en cascade évite la double taxation et assure une traçabilité parfaite des transactions.
Le 10 avril 1954, son projet est adopté par le Parlement français. La TVA est née. Peu à peu, elle s’étend, gagne du terrain, s’impose en Europe puis dans le monde entier. Aujourd’hui, plus de 170 pays l’ont adoptée, et tout dernièrement le Brésil et l’Inde, faisant de la création de Maurice Lauré l’un des piliers de la fiscalité contemporaine. Seuls quelques irréductibles, comme les États-Unis, lui résistent encore.
Et pourtant, la TVA demeure un impôt paradoxal. À la fois puissant et contesté, redouté et indispensable, son efficacité ne fait aucun doute, mais son caractère proportionnel en fait une taxe parfois perçue comme injuste. Car, en taxant tous les consommateurs au même taux, elle ne distingue ni la richesse ni la précarité.
ALORS, 70 ANS APRÈS SON INVENTION, LA TVA EST-ELLE TOUJOURS À LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS ?
Cette question sera au cœur de mon prochain livre co-écrit avec Cyprien GOUX qui sortira début mars 2025, ainsi que de la table ronde organisée ce 17 mars par la Fondation Valéry Giscard d’Estaing que j’aurai l’honneur d’animer à l’Université Paris Dauphine-PSL.
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