TVA : 70e anniversaire

La plus grande invention française

Il y a 70 ans l’Assemblée Nationale votait l’instauration de la TVA sur un secteur d’activité réduit.
Cette immense invention du français Maurice Lauré allait ensuite être adoptée par la quasi-totalité des pays du monde ,la totalité des membres de l’OCDE, l’Inde, la Chine… sauf les États-Unis.
Le triomphe de la TVA qui a succédé aux taxes en cascade est lié à ses quatre avantages clés : sa simplicité et sa facilité de contrôle, son rôle en faveur de l’investissement puisque la totalité de la TVA liée à un bien amortissable est immédiatement déduite, sa simplicité en cas de vente à l’export puisque la totalité de la TVA payée en amont est immédiatement et facilement déduite.
Avant la création de la TVA ,il fallait se livrer à des calculs complexes et contestables pour calculer la part d’impôts indirects payée auparavant par le produit exporté y compris sur ses différents composants.


Enfin la TVA est neutre par rapport au circuit de production. Ainsi une voiture produite à l’aide de sous-traitants de rang 1, de rang 2 etc… ne supporte pas davantage de TVA que celle qui serait livrée dans le cadre d’une production intégrée. Autrement dit la sous-traitance n’est pas désavantagée.
Simplicité, investissement et export favorisés, conception moderne de la production, les ingrédients du succès étaient là. Et pourtant, le vote de l’Assemblée fut difficile à obtenir.
Maurice Lauré, faiblement soutenu, était convaincu de l’énorme progrès que générerait son invention. Alors, haut fonctionnaire à la Direction des impôts, il décida d’aller lui-même convaincre le monde politique.


Le nom de TVA est un nom « marketing », il s’agit purement et simplement d’un impôt sur la consommation, supporté par le consommateur final. Or l’impôt indirect a très mauvaise presse en France, tant les gouvernements successifs depuis Philippe le Bel en ont usé et abusé.
En effet, la royauté, très souvent aux abois, se heurta aux Parlements peu désireux d’augmenter les impôts classiques. Donc on taxa les biens les plus courants : drap, vin, sel, cartes à jouer etc…
Lauré s’employa à convaincre le monde politique alors réticent. Deux hommes allaient jouer un rôle clé, un de droite et un de gauche. Antoine Pinay, président du conseil s’interroge ; il fait venir Lauré. Celui-ci X, inspecteur des finances, au tableau avec une craie, explique à l’ex petit patron Antoine Pinay ce qu’est la TVA et tout ce que le pays peut en attendre. Pinay est convaincu mais son gouvernement est renversé, tout est à refaire !

Lauré va alors tenter sa chance auprès de Pierre Mendes France, à l’époque président de la commission des finances de l’Assemblée. Ce dernier a vite compris, il y est favorable malgré l’hostilité générale de la gauche. Le secrétaire d’État aux finances du nouveau gouvernement va soutenir le projet malgré l’hostilité de son ministre Edgar Faure. Le vote positif a lieu le 10 avril 1954.

 

Ainsi le parcours politique fut particulièrement difficile et Lauré avait une telle foi dans son invention qu’il s’engagea au mépris des risques qu’il prenait pour sa carrière ; il trouva des soutiens qui n’étaient pas ceux qu’il attendait et, comme trop souvent de la part de beaucoup un attentisme circonspect.

Ainsi que le disait Machiavel « le réformateur se heurtera à la haine de ses adversaires et au soutien tiède de ceux à qui son action bénéficie ».

 

Les États Unis, eux n’ont jamais voulu de la TVA. Ils ont compris que la TVA ne pouvait être qu’un impôt fédéral et ils ont bien trop peur de confier la clé du coffre à Washington…
Le champ d’application de la TVA version 1954 était réduit et c’est Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, qui généralisera son application en décembre 1965.
La bataille parlementaire, longue et difficile fut menée avec un grand courage par Giscard. Il s’agissait d’inclure dans le champ de la TVA les professions libérales, la totalité du commerce et de l’agriculture, en un mot, les catégories professionnelles qui constituaient une forte base électorale du jeune ministre. Pour la plupart, les intéressés n’étaient pas enchantés d’entrer dans un système nouveau, de devoir remplir tous les mois une déclaration de TVA et de donner au fisc un nouvel instrument de contrôle. Néanmoins Giscard ne relâcha pas son effort et obtint le vote favorable.


Une critique vis à vis de la TVA : elle frappe les pauvres comme les riches ? Les études précises sur ce sujet, incluant les taux différenciés, taux zéro ou taux bas sur les produits de première nécessité, montrent que la TVA n’est pas redistributive, mais n’est pas non plus anti redistributive. Autrement dit, si on ajuste les taux, elle est neutre : la part de TVA, par rapport au revenu, supportée par un ménage aisé est sensiblement égale à celle d’un ménage modeste.
On peut considérer que le rôle de la TVA n’est pas de redistribuer, et que cette fonction est confiée à d’autres impôts.

Autre difficulté : la TVA européenne : Tous les pays de l’UE ont mis en place la TVA et accepté les règles de la TVA transfrontalière. Mais chaque pays dispose d’une liberté importante pour définir à sa guise les catégories, les taux applicables à chaque catégorie de produits et les contrôles. Les ventes transfrontalières étaient quasiment sans contrôle. Il en est résulté des fraudes très important dont la fameuse affaire de la taxe sur les émissions de CO2. Ce sujet a fait l’objet d’une série a grand succès (« D’argent et de sang » avec V. Lindon) et d’un procès retentissant. Il est tout simplement dû, à l’absence d’un contrôle central. On a oublié qu’en émettant une facture avec TVA, je deviens débiteur de l’État.


Par ailleurs, revient l’évocation de la TVA sociale. On oublie que l’inventeur fut le Général de Gaulle à l’automne 1968 : Il refusa la dévaluation du franc qui lui était proposée à la suite des événements de mai 68 et des accords de Grenelle. Il décida de pratiquer une dévaluation fiscale soit une hausse de la TVA compensée par une baisse de charges sociales (l’équivalent d’alors).
Tant cette expérience que, par la suite, celle des Allemands, montre que sur le moyen terme, il n’y a pas de supplément d’inflation puisque les prix de revient des producteurs sur le sol national sont abaissés et permettent ainsi d’annuler la hausse de la TVA. Les importations subissent sans contrepartie la hausse de la TVA. Le commerce extérieur est amélioré, la production française stimulée et l’emploi développé.


Une bonne recette par les temps actuels ?



Denys Brunel


Auteur de « La TVA, invention française, révolution mondiale, l’aventure de Maurice Lauré » préface de Valéry Giscard d’Estaing.

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